2. La propriété des arbres plantés
La propriété des arbres plantés est fortement liée à la propriété foncière. Elle peut donc être intégrée à l’analyse de celle-ci. Au-delà des investisseurs, la clarification de la propriété des arbres plantés peut aussi lever les craintes légitimes que les producteurs peuvent encore avoir vis-à-vis de la propriété de ces arbres et de la valorisation de leurs efforts de plantation. Ceci contribuera largement à inciter ceux-ci à développer des pratiques (agro)forestières sur leurs terres.
2.1 À qui revient la propriété d’un arbre planté sur une terre disposant d’un titre foncier ?
La propriété de l’arbre planté est réglée selon qu’il existe (ou non) un accord entre les parties impliquées conformément à l’article 27 alinéa 2 du Code forestier : « La propriété d’une forêt créée ou d’un arbre planté, revient au propriétaire foncier ou à la personne qui l’a créée ou plantée en vertu d’une convention avec ledit propriétaire ».
La convention entre les parties peut ainsi prévoir que la propriété des arbres plantés par un investisseur lui revienne ou revienne au propriétaire, à savoir au détenteur du titre foncier¹².
Il peut en effet y avoir, lorsque les parties s’accordent en ce sens, une dissociation entre la propriété du sol et la propriété du dessus et du dessous. Le propriétaire d’une parcelle de terre peut donc être différent du propriétaire des arbres qui y sont plantés¹³.
Dans le silence des parties, l’arbre revient au détenteur du titre foncier si, par exemple, ce dernier a ignoré la réalisation du projet (ce que sous-entend l’article 27 du Code forestier). Dans ce cas, le détenteur du titre foncier peut demander à l’investisseur d’enlever les arbres plantés. En revanche, si le détenteur du titre foncier veut conserver les arbres plantés, il a l’obligation d’indemniser l’investisseur (article 555 du Code civil).
Mais si le détenteur du titre foncier a bien été mis au courant du projet par l’investisseur et l’a laissé faire, les arbres ne lui appartiendront pas. La propriété des arbres plantés revient alors à l’investisseur (ce que sous-entend l’article 27 alinéa 2 du Code forestier). Dans ce cas de figure, le détenteur du titre foncier qui veut récupérer sa parcelle, qu’il ait ou non la volonté de conserver les arbres plantés, a l’obligation d’indemniser l’investisseur (article 555 du Code civil).
L’analyse ci-dessus est aussi valable pour les reboisements compensatoires, réalisés en contrepartie des volumes de bois prélevés dans les Périmètres d’Exploitation forestière. Ainsi, selon l’existence (ou non) d’une convention entre les parties, la propriété des arbres revient, soit au détenteur du titre foncier, soit à l’exploitant qui y a planté les arbres.
Au final, il convient de préciser ici que ce cas de figure restera certainement très marginal dans les années à venir, compte tenu du très faible niveau actuel d’immatriculation dans le pays.
2.2 À qui revient la propriété d’un arbre planté sur une terre disposant d’un certificat foncier ?
Dans le même esprit que le cas précédent, l’investisseur dans un projet (agro)forestier peut être propriétaire des arbres qu’il plante, ou dont il finance la plantation, s’il a, par exemple, accédé, par bail, à la terre objet d’un certificat foncier et qu’il a pris le soin d’établir une convention avec le bailleur précisant que les arbres plantés sont sa propriété.
Dans le silence des parties, les règles qui s’appliquent aux terres disposant de titres fonciers s’appliquent également aux terres disposant de certificats fonciers.
Compte tenu des diverses initiatives récentes (Projet REDD+ de la Mé) ou en cours (PAMOFOR : Projet d’amélioration et de mise en œuvre de la politique foncière rurale¹⁴ ; CLAP : Côte d’Ivoire Land Partnership, etc.) visant notamment à délivrer des certificats fonciers, ce cas devrait devenir de plus en plus fréquent à l’avenir.
2.3 À qui revient la propriété d’un arbre planté sur une terre objet de droits coutumiers ?
Il s’agit d’une question essentielle, car jusqu’à présent, c’est la situation la plus fréquente puisque très peu de terres rurales font l’objet de certificats ou de titres fonciers.
La propriété de l’arbre planté sur une terre objet de droits coutumiers n’est pas juridiquement déterminée. Au cas où l’investisseur aurait planté des arbres sur la terre coutumière d’autrui, il s’expose à une insécurité juridique. En effet, il peut à tout moment être évincé, pour défaut de contrat, même s’il peut prétendre à une indemnisation pour ses plantations (article 555 du Code civil). Les conditions de réalisation des transactions autres que la cession (et notamment la location) doivent encore être déterminées par décret.
Par conséquent, cette situation risquée limite fortement les opportunités d’investissement.
2.4 Quelle est la conséquence de la propriété de l’arbre planté ?
En droit ivoirien, être propriétaire d’un bien c’est avoir le droit d’utiliser et de profiter de la chose de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou règlements¹⁵.
Pour le propriétaire d’un arbre, cela signifie qu’il peut en faire usage, le conserver et percevoir les fruits générés par celui-ci. Il peut également vendre cet arbre ou le donner gratuitement, mais dans le respect de la règlementation en vigueur qui reste encore à clarifier, particulièrement vis-à-vis des modalités de vente.