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Les petits producteurs sèment l’espoir : Reconstituer la forêt ivoirienne en assurant le futur de la cacaoculture

Lorsque la sécheresse a frappé le sud-ouest de la Côte d’Ivoire en 2015, une grande partie de la récolte de cacao, la principale matière première agricole du pays, a été perdue et des milliers de petits producteurs ont vu leur gagne-pain menacé. « J’ai presque perdu toute ma plantation de cacao, sauf aux endroits où j’avais de grands arbres », déclare Kouassi Akoura Apollinaire Yao, un jeune fermier qui exploite une plantation de deux hectares près de Méagui, 400 km à l’ouest d’Abidjan, la capitale du pays. « C’est l’ombrage qui a permis de sauver ces plants. »

Aya Odette Brou, membre de l’association villageoise d’épargne et de crédit (AVEC) du village de Pogréagui, à 15 km au nord de Méagui, Côte d’Ivoire.

De nombreux petits producteurs de la région sont dans la même situation. Mais ils ne pouvaient pas tous compter sur les arbres pour sauver leur récolte. La Côte d’Ivoire est l’un des pays du monde où la déforestation est la plus prononcée et la production de cacao en est largement responsable. La perte du couvert forestier n’a pas comme seule conséquence une vulnérabilité accrue du cacao face à la sécheresse. « Nous, les femmes, ne trouvons pas assez de bois pour cuire les repas » déplore Amoin Sahoure, qui vit dans le village d’Assawlèkro.

Quand un projet a proposé en 2017 de récompenser les producteurs de cacao et les communautés locales qui s’engagent dans l’agroforesterie, le reboisement et la conservation, les fermiers étaient tout ouïe. Le projet résulte d’une collaboration entre le Gouvernement ivoirien et Mondelēz International, l’un des plus importants producteurs de chocolat du monde. Une organisation non gouvernementale ivoirienne, Impactum, est responsable de la mise en œuvre du projet.

« Quand Impactum est venu nous parler du projet d’arbres, nous avons compris que cela pouvait être la solution pour surmonter nos difficultés », se rappelle Aya Odette Brou, du village de Pogréagui, à 15 km au nord de Méagui. Le projet est un exemple de programme de « paiement pour services environnementaux » (PSE). Il a été initié avec l’aide de la Facilité REDD de l’Union Européenne et s’inscrit dans le cadre des efforts redoublés au niveau mondial pour arrêter et inverser la déforestation. Le projet sème l’espoir dans les plantations qui, aujourd’hui, dominent ce paysage aride et très déboisé situé en plein centre de la « ceinture du cacao » de la Côte d’Ivoire.

« Quand Impactum est venu nous parler du projet d’arbres, nous avons compris que cela pouvait être la solution pour surmonter nos difficultés. »

Kouassi Akoura Apolinaire Yao, un jeune fermier qui exploite une plantation de deux hectares près de Méagui, 400 km à l’ouest d’Abidjan, la capitale du pays.

Le pays est un exemple de déforestation tropicale à grande échelle. Son couvert forestier est passé de 50 % (16 millions d’hectares) de la superficie totale du pays en 1960 à seulement 10 % (3,4 millions d’hectares) en 2016. L’expansion de la production de cacao est la cause principale de la déforestation. Mais depuis 2014, la Côte d’Ivoire a pris des engagements ambitieux pour découpler la production de cacao de la déforestation et à reconstituer le couvert forestier sur 20 % du territoire à l’horizon 2030.

Des entreprises privées ont promis d’éliminer la déforestation de leur chaîne d’approvisionnement et d’aider à reconstituer le couvert forestier du pays. Mondelēz contribue à cet objectif avec son programme CocoaLife. La plus grande partie du cacao étant produite par de petits producteurs, qui vendent leurs fèves aux grandes entreprises telles que Mondelēz par l’intermédiaire de négociants. L’un des moyens de restaurer les forêts et de réduire l’expansion du cacao est donc de convaincre ces petits producteurs de planter des arbres ou de protéger les arbres existants.

Cependant, ce n’est pas si facile d’encourager les producteurs à adopter des pratiques respectueuses de l’environnement comme l’agroforesterie ou le reboisement. La plupart des petits producteurs vivent en dessous du seuil de pauvreté. Ils n’ont pas les moyens d’investir dans des intrants ou des plants qui permettraient d’augmenter leurs rendements ou de diversifier leurs revenus. C’est là que le programme de PSE entre en jeu. Il fournit des plants, une assistance technique pour la gestion des plantations, et une prime financière aux producteurs en cas de succès. Dans le cadre de contrats avec les communautés locales, le programme incitera les actions de reboisement et de conservation au travers de la construction d’infrastructures sociales telles que des écoles, des cliniques ou des puits.

Les producteurs et les communautés sont très enthousiasmés par ce projet. Ce qui est intéressant, c’est que leur principale motivation n’est pas tant le « paiement » sur lequel se fonde le programme que la perspective de diversifier leurs sources de revenus et d’améliorer leur résilience face aux chocs climatiques comme celui dont ils ont été victimes lors de la sécheresse de 2015.

« Les producteurs participeraient au programme même en l’absence de prime financière » explique Jean-Michel Patrick Brou, directeur chez Impactum. « Ils voient les revenus additionnels que les arbres peuvent leur apporter. Ils s’intéressent en particulier aux arbres fruitiers, comme l’akpi ou le petit cola, car leurs fruits se vendent bien sur les marchés. »

« Les producteurs participeraient au programme même en l’absence de prime financière. Ils voient les revenus additionnels que les arbres peuvent leur apporter. Ils s’intéressent en particulier aux arbres fruitiers, comme l’akpi ou le petit cola, car leurs fruits se vendent bien sur les marchés. »

Amoin Sahoure, présidente de l’association villageoise d’épargne et de crédit (AVEC) d’Assawlèkro.

Jusqu’à aujourd’hui (décembre 2018), Impactum a signé des contrats avec 500 planteurs et a formé plus de 900 personnes aux pratiques agroforestières. L’un de ces planteurs est Kouassi Apollinaire Yao, dont les arbres avaient sauvé une partie de la récolte de cacao lors de la sécheresse de 2015. En plus de l’inciter à planter des arbres dans sa plantation, le projet lui a aussi offert une formation pour devenir « planteur-relais ». A ce titre, il se rend dans les villages pour former de nouveaux planteurs d’arbres, sensibiliser ses collègues producteurs au projet et sur les risques résultant du changement climatique.

Le projet PSE se focalise sur la création de nouvelles opportunités économiques pour les femmes, grâce à la coopération entre Impactum et les associations villageoises d’épargne et de crédit (AVEC), responsables de la création et de la gestion de pépinières. Avant le projet, il n’existait pas de pépinière où les planteurs pouvaient acheter des plants. À présent, les femmes vendent des plants aux planteurs, qui utilisent comme paiement des bons délivrés par le projet PSE.

« Il n’a pas beaucoup plu et les plantations de nos maris ont séché », témoigne Amoin Sahoure, présidente de l’AVEC d’Assawlèkro. « Grâce à ce projet, nous pouvons aider nos maris à subvenir aux besoins de nos familles ». D’ici un an ou deux, ces pépinières dirigées par des femmes devraient être autonomes et pouvoir servir aux planteurs de la région, au-delà du projet, qui arrive à terme fin 2019. Les femmes s’enthousiasment à l’idée de réinvestir leurs profits dans les pépinières et d’améliorer le niveau de vie des villageois.

« Si on a assez d’argent, on pourrait acheter un camion pour aller en ville et vendre nos produits au marché » explique Aya Odette Brou, membre de l’AVEC de Pogréagui. « On aidera aussi les nouveaux membres qui veulent participer au projet et on paiera les frais de scolarité des enfants ». A plus long terme, ces opportunités économiques pourraient fournir des revenus plus diversifiés et durables aux planteurs de cacao et à leurs familles, tout en accroissant lentement mais sûrement le couvert forestier.

Le projet n’en est qu’à ses débuts et son impact à long terme sur le couvert forestier de la Côte d’Ivoire reste à démontrer. Mais le chef de tribu de Méagui, Play Christophe Saré, a déjà confirmé ses ambitions. « Nous devons restituer à la nature ce que nous lui avons volé », déclare-t-il. « Dans notre région, nous souhaitons aller plus loin que les engagements de l’État et reboiser à 30 % le couvert forestier ». Grâce au projet PSE, les producteurs sont sur la bonne voie.

« Nous devons restituer à la nature ce que nous lui avons volé. Dans notre région, nous souhaitons aller plus loin que les engagements de l’État et reboiser à 30 % le couvert forestier. »

This story has been produced with the financial assistance of the European Union. The views expressed herein can in no way be taken to reflect the official opinion of the European Union.

Author: EU REDD Facility

Date: 5 April 2019